Interview de Christophe Rodriguez, Directeur Général adjoint de l’IFPEB
A l’heure de la RE 2020, où le carbone est au cœur de nombreux questionnements concernant notre secteur d’activité, l’immobilier, nous avons rencontré Christophe Rodriguez directeur général adjoint de l’Institut Français pour la PErformance du Bâtiment.
Engagé et passionné, il décrypte pour nous les actions menées par l’IFPEB.
Si vous deviez présenter l’IFPEB en quelques lignes ?
L’IFPEB, c’est l’Institut français pour la performance du bâtiment. Nous sommes une association loi 1901, qui existe depuis plus de 10 ans. Nous sommes une alliance d’acteurs économiques de la construction et de l’immobilier. Nous réunissons nos connaissances opérationnelles, nos savoir-faire pour créer les conditions d’une transition environnementale ambitieuse en la connectant à une réalité opérationnelle et de marché. L’ensemble de nos collaborateurs viennent du terrain. Nous avons tous été directeur de projet, chargé d’opération, AMO environnementaliste…
Notre objectif est d’accélérer la transition environnementale dans la construction et l’immobilier. Cependant, nous sommes conscients qu’il a fallu plus de 40 ans pour réussir à comprendre et stabiliser la réglementation thermique actuelle. Et en moins de 30 ans il va nous falloir apprendre à compter en Kilo de CO2 et atteindre la neutralité carbone. Par conséquent il va falloir agir de façon concrète et accepter « d’apprendre en marchant ». C’est pourquoi nous favorisons une démarche « do tank » plus que « think tank ». Notre objectif est de comprendre puis accélérer l’appropriation des nouvelles pratiques qui permettront de réussir nos transitions. Nous nous attachons à comprendre et mesurer la performance réelle des solutions….celle qui peut être vérifiée sur un compteur. Pour cela nous travaillons avec des précurseurs engagés, et dès qu’une pratique performante avec une opérationnalité avérée est identifiée, nous la valorisons, contribuons à sa massification et nous œuvrons pour faire évoluer le socle réglementaire, notamment au travers de nos contributions au débat public.
Comment articulez-vous les travaux que vous menez ?
Nous avons trois grands piliers au sein de l’IFPEB. Le premier peut être considéré comme le plus technique. Son objectif est de répondre aux questions des professionnels et de leur donner accès à un maximum d’informations et d’outils concrets et opérationnels. Pour cela nous créons une véritable « boîte à outils » techniques, contractuels….notamment alimentée par le hub des prescripteurs bas carbone dont fait justement partie S2T.
Le deuxième pilier est axé sur les personnes et sur l’humain. Nous animons notamment des concours d’économies d’énergie au travers d’un grand championnat : les concours « Cube ». Ils s’adressent aussi bien aux professionnels travaillant dans le tertiaire qu’aux lycéens et aux collégiens (https://www.ifpeb.fr/nos-concours/cube-2020/).
Le troisième pilier s’appuie, quant à lui, sur la performance plurielle. En effet il est important de connecter la performance environnementale à la performance économique, d’usage ou encore immobilière. Nous avons donc tout un volet d’actions pour questionner cette pluralité.
Vous avez évoqué tout à l’heure le HUB, dont S2T fait partie. En quoi cela consiste ?
Le hub est une plateforme collaborative qui a été créée il y a un an et demi au moment où le sujet du bas carbone est devenu particulièrement prégnant. Les professionnels avaient besoin de référentiels sur lesquels se baser. Il y a donc d’abord eu une phase d’échanges, puis nous avons mis en place des outils concrets dont un observatoire. Des milliers de bâtiments ont été analysés pour avoir une vision statistique de ce qui peut permettre d’atteindre telle ou telle performance bas carbone. Ensuite lot par lot nous avons passé à la loupe les matériaux utilisés. Cela nous a permis d’élaborer une grande base qui permet de comprendre quelles sont les tendances programmatiques, quels sont les choix constructifs, les vecteurs énergétiques pour aller chercher une ambition carbone plus ou moins importante.
Au sein du hub, nous menons aussi des études collectives sur les filières. Actuellement nous sommes en train de procéder à un travail d’analyse pour les matériaux biosourcés. Avant cela, nous nous sommes intéressés au béton pour trouver les leviers bas carbone qui permettraient d’en diminuer l’empreinte environnementale. Nous essayons même de nous projeter en imaginant les trajectoires des différentes filières horizon 2030. Dans le cadre des études collectives, nous avons aussi mis en place un « atelier coût-carbone ». L’atelier coût-carbone consiste en des études de cas collaboratives, où sont examinés des projets réels sur lesquels travaillent différentes professions. Tout le monde se concerte pour trouver les leviers permettant d’atteindre le plus bas niveau carbone à moindre coût. Ensuite on « s’amuse » à voir l’élasticité entre le prix de la construction et le carbone. Est-ce que c’est vraiment plus cher de faire du bas carbone ou est-ce qu’il y a plein de solutions, auxquelles parfois on ne pense pas ? Et puis, quand on se donne 5 % de budget en plus sur une opération, est-ce qu’on peut aller chercher 20 % d’économies de carbone ?
Plus qu’un lieu d’échange, le Hub des prescripteurs s’attache à proposer de vraies solutions. C’est une expérience unique. Sur un même projet nous pouvons avoir plusieurs maitres d’ouvrage, architectes, plusieurs bureaux d’études… et tout le monde travaille main dans la main et non en concurrence. Résultat, on a une vraie notion d’accélération. Cela explique la dénomination « hub ». C’est un endroit où l’on vient se brancher, où l’on recharge les batteries et d’où on repart avec de multiples outils, des connaissances. Et cela permet d’aller beaucoup, beaucoup plus vite dans la compréhension de tout ce nouveau paradigme, de toute cette nouvelle grammaire qu’est le carbone. Voilà un peu l’ADN du Hub des prescripteurs bas carbone.
Un mot pour conclure :
A l’IFPEB, nous souhaitons être des accompagnateurs, des accélérateurs des objectifs de la stratégie nationale bas carbone. La RE2020 est un premier pas qui nous projette tous collectivement dans un nouveau paradigme bas carbone. Nous, ce qui nous intéresse, ce ne sont pas les débats théoriques mais le progrès concret, opérationnel. L’action précède souvent la compréhension donc place à l’action !
Que dit le « compteur carbone » ? Comment le faire baisser et avec quelle nouvelle pratique opérationnelle avec une réalité de marché ? Et pour cela nous avons besoin de toutes les bonnes volontés. De tous les précurseurs, de tous les motivés, de tous les professionnels qui souhaitent agir !
S2T est fier d’avoir rejoint le Hub des prescripteurs de l’IFPEB et de contribuer collectivement à mettre en place les moyens d’atteindre les objectifs définis par la loi énergie-climat du 8 novembre 2019, qui vise la neutralité carbone à l’horizon 2050