Les microgrids à l’échelle d’îlots pour la performance énergétique de la ville
La France compte environ 400 réseaux de chaleur et de froid, répartis dans 300 villes, qui alimentent deux millions de logements. Parce qu’ils permettent d’utiliser les énergies fatales disponibles, la valorisation des EnR et d’échanger les énergies dans un collectif vertueux, ces réseaux fournissent une énergie écologique, à faible poids en CO2. C’est un outil précieux de démocratie énergétique au service des collectivités, qui affichent actuellement des objectifs environnementaux ambitieux. Ces réseaux d’énergie requièrent une expertise d’ingénierie spécifique pour être mis en œuvre. Explications.
L’îlot, un écosystème thermique
Le comportement thermique et hydraulique d’un réseau d’énergie dépend en premier lieu des besoins de ses abonnés et cela sur un axe temps fondamental. La parfaite maîtrise de ceux-ci est donc essentielle à la compréhension du fonctionnement de l’écosystème thermique en vue de sa conception optimum.
Les différents immeubles d’un quartier ont des besoins thermiques complémentaires et décalés aux différentes échelles temporelles de la journée et de l’année, résultant des différences d’usages, d’orientations solaires et d’inerties constructives.
A l’échelle d’un îlot urbain, les besoins en chaud et en froid varient au cours de la journée et de l’année. Ils sont par nature non équilibrés. Les constructions se comportent en réalité comme un système énergétique en déséquilibre : soit il produit trop de chaleur (ou pas assez de froid), soit il a besoin d’un apport supplémentaire de chaleur (ou de diminuer l’appel en froid).
Le réseau doit se comporter en modérateur d’inertie et stockage temporel d’énergie, en jouant un rôle majeur dans l’optimisation des systèmes énergétiques : la création de masses thermiques utilisées comme accumulateur, dissipateur ou retardateur énergétique devient nécessaire. S2T a notamment étudié des projets intégrant simultanément l’utilisation et le stockage d’énergie intersaisonnier dans les roches du sol, ou dans certaines infrastructures comme les fondations de gares souterraines ou des dalles de couvertures d’axes routiers.
La mutualisation des raisonnements énergétiques à l’échelle de l’îlot entraîne le raccordement des programmes à un dispositif thermique commun et stable, qui couvre ainsi les besoins de manière optimum et responsable :
- En base, la production de chaud/froid combiné locale. Elle permet la valorisation des énergies fatales directement produites à l’échelle de chaque bâtiment. Le stockage centralisé ou décentralisé favorise ces échanges.
- En complément, la valorisation des énergies renouvelables et de récupération disponibles in situ (géothermie, chaleur des eaux usées, etc.).
- Enfin, en appoint voire en secours, une fourniture d’énergie plus traditionnelle qui contribue à compléter et sécuriser le système énergétique. Les constructions actuelles sont généralement très performantes énergétiquement à travers leur orientation solaire, leur morphologie, leurs enveloppes, leur inertie et leur système technique propres. Elles requièrent néanmoins des « pics » d’appels de puissance, selon la rigueur du climat en hiver ou les fortes périodes de chaleur en été. L’appoint est utilisé pour faire face à ces besoins.
La diversité des surfaces raccordées au réseau d’énergie (logements, bureaux, équipements publics, hôpitaux, etc.) implique la non-simultanéité des puissances appelées. Ce phénomène entraîne un effet de foisonnement des puissances : la puissance maximale appelée au niveau des centrales de production est toujours inférieure à la somme des puissances maximum appelées au niveau des postes d’abonnés. Cet effet limite les investissements nécessaires à la réalisation des projets.
Bâtiments neufs vs bâtiments existants : une complémentarité d’excellence
Selon les opérations, il peut également être opportun d’ouvrir l’écosystème énergétique à des bâtiments existants et d’envisager ainsi la mutualisation plus large des raisonnements énergétiques :
- Un abonné de type « bâtiment existant », et donc énergivore, est chauffé par l’intermédiaire d’émetteurs à haute température (radiateurs en fonte). Au-delà de la puissance appelée par celui-ci, cet abonné requiert des niveaux de température importants (au minimum 90°C en plein hiver) qui doivent être fournis par le réseau de distribution.
- Un abonné correspondant à une « construction neuve », et donc peu déperditive, peut être chauffé par des émetteurs à basse température (planchers chauffants, radiateurs à basse température, etc.). Le réseau d’énergie fournira dans ce cas la puissance requise, dans des conditions de températures plus souples (50°C en général peut suffire).
Des cascades écologiques entre abonnés – les retours des bâtiments anciens alimentant les bâtiments neufs – permettent le développement et l’optimisation des infrastructures énergétiques sans augmenter le débit dans les réseaux, avec à la clé un investissement optimisé et maîtrisé.
La chaîne énergétique apportée par les réseaux permet au final une optimisation et une sécurisation technico-financière en termes de production, de distribution et d’utilisation énergétique.